Une approche stratégique en matière RH (Analyse parue dans le MagRH)
Dans un monde professionnel en constante ébullition et aux fragilités personnelles multiples, la solidarité et la fraternité entre employés émergent comme des éléments cruciaux pour une culture d’entreprise durable. Cet article explore divers moyens (testés et approuvés par de grands acteurs économiques) de cultiver ces valeurs au sein de l’entreprise, en mettant en lumière leur impact significatif sur la prévention de l’absentéisme et la réduction des coûts associés aux risques psychosociaux.
Le concept du « don” s’est révélé être un catalyseur puissant de solidarité. En encourageant les employés à partager leurs compétences, leur temps ou leurs ressources, les entreprises peuvent créer un tissu social solide. Cette pratique renforce les liens entre collègues, mais contribue également à une ambiance de travail positive, prévenant ainsi l’absentéisme lié au stress et au mécontentement.
La logique du don se construit sur une triple obligation de donner, recevoir et rendre. Cela permet de structurer la coopération sans formalisation.
II. Réseaux internes d'employés : connecter pour prospérer
Les réseaux internes d’employés, axés sur des intérêts communs tels que la diversité, la santé mentale ou le mentorat, offrent un terrain propice à l’épanouissement professionnel et personnel. Les expériences fructueuses de géants technologiques comme Google démontrent que ces réseaux renforcent la cohésion, réduisent l’isolement professionnel et, par conséquent, diminuent le taux d’absentéisme. Chez SAP par exemple, cela permet de favoriser la prise d’initiative dans un cadre professionnel plus informel.
“Différents groupes existent pour favoriser le développement et l’épanouissement des individus dans un contexte accueillant certaines spécificités comme le groupe Business Women Network de 16 000 membres dans le monde”, selon Caroline Garnier, DRH SAP France & Maroc.
III. Bonnes pratiques managériales : cultiver un Leadership solidaire
Les managers jouent un rôle central dans la création d’un environnement propice à la solidarité. Des pratiques managériales inclusives, telles que la reconnaissance des succès individuels et collectifs, contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance. Des entreprises, avec leurs programmes de bénévolat, ont démontré que ces approches réduisent les risques psychosociaux en favorisant un engagement positif au travail. Suez, Danone ou encore Swile ont signé en juin 2023 un manifeste « Mouvement pour des jours d’engagement au travail ». Elles accordent via cette charte 3,5 jours par an à leurs salariés qui souhaitent donner de leur temps pour une cause qui leur tient à cœur.
Selon le représentant du personnel d’un acteur de l’assurance “il faut favoriser ces dispositifs car cela permet d’ancrer l’action de l’entreprise dans le réel et de partager nos compétences”.
IV. Mesurer l'impact économique : La solidarité, un investissement rentable
Au-delà des bénéfices sociaux, la solidarité et la fraternité génèrent des retombées économiques positives. Des méthodes de mesure, telles que l’évaluation de qualité de vie au travail, de la prévention des accidents de travail, de la non discrimination ou encore du respect du droit de travail et d’une meilleure productivité, permettent de quantifier ces avantages. Avec les nouvelles normes CSRD, ces investissements sociaux pourront renforcer les avantages compétitifs et aussi mesurer leur impact. Ce référentiel de reporting de durabilité de Corporate Sustainability Responsability Directive (CSRD) vise à remplacer l’actuelle Non-Financial Reporting Directive (NFRD). Sa particularité est la double matérialité qui évalue les impacts financiers sur l’entreprise mais aussi en termes d’impact sur son environnement. Avec cette notion élargie de l’environnement et de la double matérialité, les entreprises (conditions ci-dessous) valorisent leur performance extrafinancière voir transforment leur engagement en objectifs puis en actions. Cette approche permet de “passer de l’infobésité, à comprendre, digérer et articuler sur le long terme les actions de durabilité” selon Sébastien Mandron (Wordline et C3D).
V. Choisir une gouvernance équilibrée
L’intégration de nouveaux modèles de gouvernance (entreprises à mission, SCOP, collectifs…) dans la réflexion sur la solidarité et la fraternité au sein de l’entreprise ajoute une dimension supplémentaire, positionnant l’engagement social au cœur de la structure organisationnelle.
Ces approches novatrices montrent que la solidarité ne se limite pas à un aspect culturel, mais peut également être inscrite dans la gouvernance même de l’entreprise, créant ainsi un environnement propice au sens au travail.
Le partage de la valeur et la participation active aux décisions favorisent une gouvernance plus équitable. Ces structures encouragent une appréciation de la responsabilité collective.
En conclusion, investir dans la solidarité et la fraternité entre employés n’est pas seulement un impératif social, mais aussi une stratégie économiquement judicieuse.
Les entreprises proactives dans ce domaine préviennent non seulement l’absentéisme, mais réduisent également les coûts liés aux risques psychosociaux, favorisant ainsi un environnement de travail durable et productif.
Comme témoigne une responsable QVT dans une assurance-mutuelle “investir dans les liens c’est investir dans le long terme”.